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The Expendables II : Bienvenue à Nanarland

 

Récemment, je me suis laissé convaincre d’aller voir au cinéma The Expendables 2, suite de The Expendables : Unité spéciale. Parce que le premier film comportait de sérieux problèmes de rythme et l’absence de tout scénario, l’équipe de tournage, composée de Sylvester Stallone et de son homme de paille, Simon West, - réalisateur entre autre de Tom Rider (2001), du sympathique Les ailes de l’Enfer (1997), et du remake du Flingueur (2011) -, a essayé cette fois de jouer la carte de l’autodérision. Manque de bol, ça ne suffit pas.

 


Pour ceux qui souhaiteraient un rappel du synopsis, en voici le résumé (synthétique). Barney Ross (Sylvester Stallone), fondateur et leader des Expendables, un groupe de mercenaires, cherche à rembourser sa dette auprès de Mr Church (Bruce Willis), obscur agent de la CIA. C’est donc aidé de ses compagnons de toujours, Lee Christmas (Jason Statham), Gunnar Jensen (Dolph Lundgren) Toll Road (Randy Couture), Hale Caesar (Terry Crews), plus l’analyste scientifique de la CIA, Maggie (Yu Nan), qu’il part remplir la dernière mission des Expendables. Mr Church les envoie récupérer une mystérieuse mallette dans une campagne reculée d’Europe de l’Est. L’opération semble facile, mais un membre des Expendables, Billy the Kid (Liam Hemsworth), est tué par un certain Jean Vilain (JCVD). Bien que situé dans un lieu qui leur est hostile et où ils sont en nette infériorité numérique, ils vont semer la destruction et le chaos pour déjouer une menace nucléaire qui pourrait bouleverser l’équilibre mondial. Mais cette menace n’est rien par rapport à ce qu’ils comptent faire subir à celui qui a froidement assassiné l’un des leurs.

Film d’1 h 42, The Expendables 2 a obtenu pour sa réalisation un cachet de 100 millions de dollars. Pas grand-chose vous me direz comparé aux 200 millions dont ont bénéficié The amazing Spiderman et Total Recall. N’empêche, cela fait beaucoup d’argent. Et qui dit gros budget sous –entend énorme bénéfice. Considérez cette attente comme pleinement remplie : pour son premier week-end d’exploitation, The Expendables 2 a récolté 28,7 millions de dollars de recette, et reste en tête de liste dans le classement du box-office nord-américain. Il y a fort à parier que The Expendables 2 réussira à dépasser les 274 million de dollars de recette du premier opus. Mais qu’en est-il de l’histoire ?

Car après tout, la qualité d’un film ne se juge pas seulement à son succès en salle, mais plutôt à son histoire et à sa réalisation. Disons-le tout de suite : le scénario est d’une insondable bêtise. Qu’est-ce qui me permet de soutenir cette affirmation ?

 


The Expendables 2, c’est de la sueur (un peu), du sang (beaucoup), mais pas de larmes. Vague histoire de vengeance, celle-ci n’est pas réellement crédible. L’assassiné est un personnage qui n’apparaît qu’à peine dix minutes à l’écran. Il est jeune, et sa jeunesse est exacerbée par les autres personnages. Son pire souvenir est une journée sanglante en Irak (comme beaucoup de journées en temps de guerre) et il décide de prendre un nouveau départ aux côtés de son grand amour, amour éclipsé par la brièveté de l’évocation qu’il en fait. Le stéréotype même du tueur au grand cœur, et il dit cela en se préparant à dézinguer des gars. Pas besoin d’être un fin connaisseur des films d’action pour saisir que ce personnage est un mort en sursis. Et effectivement, le jeune type meurt. Toute l’équipe se lance alors aux trousses de son meurtrier pour le venger. Toute l’équipe ? Non. Yin Yang (Jet Li) part après 20 minutes d’apparition pour ramener chez lui un homme d’affaires milliardaire, qui avait été enlevé. Si un membre manque à l’appel, comment croire que toute l’équipe se sent concernée par la mort de l’un d’entre eux. Ou peut être est-ce seulement la marque d’un nationalisme américain qui ne parvient pas à intégrer des acteurs étrangers dans ses rangs ? Mais je m’éloigne.

A la fin du film, Mr Church déclare à Barney Ross avant de s’en aller « C’était bien, hein ? », ce à quoi Ross répond : « C’était pas mal… ». Suis-je le seul à remarquer le problème ? Tous ces types sont venus faire payer à Jean Vilain la mort de leur jeune recrue. Comment peuvent-ils dire alors que « c’était pas mal » ?

Et s’il s’agit d’un avis indirect sur son film, il est temps pour Stallone de comprendre que « pas mal » est bien loin de ce que l’on peut réellement dire de son film et de celui de son épouvantail, Simon West. A côté de ce film, la série des Scream de Wes Craven est un bijou du thriller psychologique.

Mais cela ne pose pas vraiment de problèmes, car comme je l’ai signalé plus haut, Stallone a joué dans son film la carte de l’autodérision.

 


Cela tombe parfois dans la facilité scénaristique en faisant appel à un deus ex machina sorti de nulle part. Quelle que soit la bizarrerie postmoderne des situations dans lesquelles Stallone place ses personnages, il ya toujours un élément qui contrebalance cette situation et en révèle toute l’ironie. Pour preuve, Jason Statham tue des mafieux albanais déguisé en curé ; Dolph Lundgren tire au bazooka sur un camion plein de plutonium (est-ce logique ? Non) ; Arnold Schwartznegger et Bruce Willis pulvérisent les terroristes au volant d’une smart, présenté comme plus petite que la taille de la chaussure de Schwartznegger (Ah ! Ah ! Quel humour !) ; ou encore l’arrivée rocambolesque de Chuck Norris, sur un air de Le Bon, la Brute et le Truand… Tous ces éléments servent à dissimuler une monstrueuse absence de film et d’évènements scénaristiques dont visiblement tout le monde se fout. Stupide, oui, puéril, certes, mais beau.

 


Revenons un peu sur l’apparition de Chuck Norris durant la bataille opposant les Expendables à une milice locale, armée d’un char d’assaut. La scène est réussie et elle surprend le spectateur, car rien n’indiquait qu’une tierce personne allait intervenir dans le film. The Expendables 2 invente le Chuck Norris ex machina : littéralement tombé du ciel, il vient résoudre à coups de bazooka (sur un char d’assaut) un problème qui semblait jusque là insoluble. Sorte de formule express, ce Chuck Norris ex machina permet de sauver efficacement, et avec une certaine élégance, les principaux protagonistes. Contre toute attente, ce personnage disparaît bien vite, comme si son unique fonction n’avait été que de sauver les Expendables d’une impasse dans le scénario. Le spectateur ne reverra Chuck Norris qu’à la fin aux cotés de Willis et de Schwartznegger. Tous trois sont pris dans une séquence au montage insensé voire invraisemblable, et qui use de l’ellipse comme raccourci, cassant du même coup la vraisemblance et la cohérence du final. Devant une telle absurdité, personne ne s’étonnerait de voir débarquer Wolverine ou Hulk en renfort.

 


Mais ce qui reste et demeure le plus fâcheux dans ce film, sans aller à parler d’échec, est l’autoréférentialité, le recours aux citations extérieures. The Expendables 2 semble être une aspiration à un retour de l’Age d’Or du cinéma d’action et présente une abondance d’évocations du passé et de clins d’œil nostalgiques. Ce climat plonge le spectateur dans des souvenirs d’autres films sans liens avec The Expendables 2. Cela nuit considérablement au récit en effaçant toute progression narrative en arrière plan.

Petit interlude pour une citation qui deviendra vite culte, et qui s’insère à merveille dans mon propos sur le second degré hilarant, est la réflexion du personnage de Dolph Lundren, voyant accrochée au mur une antique horloge digne d’être exposée dans un musée : « C’est nous qui devrions tous être dans un musée ! ». Cette seule phrase suffit à résumer le film : une bande d’anciens combattants bons pour la casse, en chasse pour un dernier combat. Haut les cœurs.

 


Pour ce qui est du casting côté méchant, je peux dire que le spectateur a été servi. En effet, The Expendables 2 accueille deux personnalités de marque. La première est celui-là même qui avait décliné l’offre d’un rôle d’importance dans le premier volet, sans doute appréhendant le désastre à venir : Jean-Claude Van Damme. Figure majeure du cinéma d’action américain des années 80, il incarne dans le film le rôle du méchant de manière magistrale, comme il l’a prouvé auparavant dans le film Replicant (2001).

 


J’ai retrouvé dans The Expendables 2 une deuxième figure très importante du film d’action de ces dernières années : Scott Adkins. Je l’ai vu pour la première fois dans les deux suites d’Un seul deviendra invincible (2006 et 2010) où il interprétait le rôle d’un fantastique boxeur russe. Dans The Tournament (2009), il jouait le rôle d’un violent assassin russe, et même s’il n’apparaît que peu de temps à l’écran, il n’en demeure pas moins impressionnant. Le plus étonnant n’est pas tellement ses courtes apparitions, mais plutôt que l’équipe de tournage de The Expendables 2 n’ait pas jugé utile d’exploiter au maximum les capacités physiques de cet athlète de haut niveau. Autant le rappeler, Scott Adkins est entre autre instructeur en kickboxing, et possède de nombreuses ceintures noires en Wushu, Taekwondo, Kickboxing, Krav-Maga, Judo et Ju-Jitsu. Alors, on rit lorsqu’on le voit se faire battre par un acteur n’ayant pas un aussi grand potentiel physique, j’ai nommé Jason Statham.

Bref, un film assez moyen dans l’ensemble qui ne mérite pas qu’on s’y attarde. Il a au moins le mérite d’avoir su jouer la carte de l’humour, ce qui a amélioré la qualité de son intrigue (de peu). Il existe des Armes de Destruction Massive, mais également des films de « divertissement de destruction massive », dont The Expendables 2 est le grand gagnant.

Oui, je sais, la blague est pauvre, mais c’est ce que j’ai pu trouver de mieux. 

 

 

 


 



18/10/2012
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