Coin du jour

Jane Eyre: aux sources de l'art

 

Jane Eyre est le dernier film en date du jeune réalisateur Cary Fukunaga, nouveau venu sur la scène cinématographique, qui s'est imposé malgré tout avec son deuxième film Sin nombre (2005), drame réaliste dont le récit se concentre sur l'un des membres d'un gang d'Amérique Centrale, qui rencontre, puis accompagne, une émigrante hondurienne aux Etats-Unis suite au meurtre qu'il a commis sur son propre chef. Ce film fut d'ailleurs primé pour sa mise en scène et pour la meilleure photographie au Festival de Sundance, ainsi que le Prix du Jury au Festival du Cinéma Américain de Deauville. Jane Eyre est donc son troisième film et son sujet provient du premier roman éponyme publié du célèbre auteur britannique, Charlotte Brontë.

 


Pour ceux qui n'ont malheureusement pas pu voir le film, je vous présente l’intrigue. Une jeune femme fuit sur une lande d'aspect oppressant. Epuisée et à bout de forces, elle est recueillie par un jeune pasteur et ses deux sœurs. Prétendant se nommer Jane Eliott, elle semble hantée par son passé. Devant s'en retourner dans leur demeure principale, le pasteur et ses deux sœurs laissent leur invité séjourner seule dans l'immense maison. C'est alors que les souvenirs remontent à la surface. Pauvre orpheline maltraitée par sa tante et ses cousins, et placée par la suite dans un internat, Lowood, où punitions physiques et privations sont de coutume, la jeune Jane grandit dans la solitude et l’austérité. Devenue adulte, elle parvient à se faire engager au château de Thornfield comme préceptrice pour la petite Adèle, jeune protégée du riche propriétaire Edward Rochester. Admirative, la jeune femme ne tarde pas à être séduite par cet homme intrigant, au passé mystérieux.

 


Cette adaptation du célèbre roman de Charlotte Brontë n'est pas la première et ne sera certainement pas la dernière. La première adaptation du roman, celle de Robert Stevenson, fut réalisée en 1944, et furent engagés dans les rôles principaux Joan Fontaine (Jane Eyre), Orson Welles (Edward Rochester), Margaret O'Brien (Adèle Varens) et Elizabeth Taylor (Helen Burns), sur un scénario écrit avec la participation du grand écrivain et philosophe Aldous Huxley. 1996 signe l'année de la seconde grande adaptation du roman, réalisée cette fois par Franco Zeffirelli, avec, dans les rôles principaux, Charlotte Gainsbourg (Jane Eyre), William Hurt (Edward Rochester), Géraldine Chaplin (Miss Scatcherd) et Anna Paquin (Jane Eyre enfant), -vue dans True Blood et A la rencontre de Forester-. 

 


La version de Cary Fukunaga vient donc après une longue série d’adaptations cinématographiques du roman de Charlotte Brontë. Ici, l’équipe de réalisation a tenu à réunir  divers talents pour incarner les personnages : Mia Wasikowska succède à Charlotte Gainsbourg pour le rôle de Jane Eyre et Michael Fassbender à William Hurt dans le rôle d’Edward Rochester. Ils sont accompagnés par deux autres acteurs de renom : Judi Dench pour le rôle de Mrs Fairfax, ami et confidente de Jane Eyre, et Jamie Bell (Billy Elliot, eh oui, c’est lui) pour celui du pasteur St. John Rivers. Le film de Fukunaga est très intéressant du point de vue de la mise en scène, car contrairement à ses prédécesseurs, il s’est libéré des contraintes narratives traditionnelles de l’adaptation cinématographique : il a fait commencer son histoire par la fin, prenant ainsi le contre-pied du roman. Pour ce qui est de l’éclairage et du décor, il a utilisé des lumières d’époque, conférant par la même occasion à son film un aspect tamisé, oppressant. Mais cet éclairage permet de relever le romantisme en mettant en avant l’extase et les peines sentimentales des deux protagonistes.

 


Mia Wasikowska, quant à elle, m’a réellement impressionné dans ce film. Depuis ses débuts dans le cabinet du docteur Paul Weston, dans la première saison de la série En analyse, la jeune mannequin, et maintenant actrice, a su améliorer son jeu au fil de ses apparitions, apprenant des personnages qu’elle incarne, et dévoilant son véritable potentiel. Et bien que son interprétation dans Alice au pays des merveilles de Tim Burton ne m’ait pas emballé, je dois avouer qu’elle joue d’égale à égale avec Michael Fassbender. Dans ce film, elle sait habilement illustrer le passage de l’adolescence à l’âge adulte. Cary Fukunaga déclare à ce propos : « la jeune héroïne doit affronter le même type de difficultés auquel de nombreuses jeunes femmes continuent à se retrouver confrontées aujourd’hui : réussir à s’émanciper et chercher à atteindre l’égalité avec les hommes ». Ayant le même âge que le personnage qu’elle incarne, Mia Wasikowska était donc parfaite pour ce rôle.

 


Michael Fassbender est lui aussi remarquable. Vous l’avez certainement déjà vu dans X-Men : Le commencement, 300, Shame et Prometheus. Son personnage a lui aussi été remanié par le scénariste. Fassbender reste ainsi dans le registre du malheur de l’existence post-traumatique d’un homme forcé à vivre avec les conséquences d’un acte à peine répréhensible. Cette caractéristique du personnage est une infidélité faite au texte d’origine. En effet, Edward Rochester, maître de Thornfield, est un être profondément ambigu, paradoxal, dont les aspirations à la normalité, à l’anonymat et à la pureté n’ont pas suffi à dissiper ses pulsions charnelles. Dans l’adaptation de 1944, l’acteur qui l’incarnait, Orson Welles, en a fait un manipulateur sadique, un monstre séduisant. Le jeu de scène de Michael Fassbender est sobre, profond, mais il met en relief la fougue et la passion de son personnage pour une Jane Eyre discrète dans son rôle de gouvernante, mais aux répliques cinglantes et pertinentes. Chaque regard et chaque parole échangés sont les révélateurs de sentiments profonds et puissants.

 


Enfin, le mystère romantique est exalté par le côté lugubre et oppressant du château de Thornfield ; la souffrance déchirée par la passion de Jane est sublimée par la scène d’une lande désertique et esseulée. Et la voix de Rochester criant « Jane » au vent exacerbe le romantisme de l’œuvre.

Allez le voir, pas forcément en amoureux, car il peut se voir aussi en amis. Quant à moi, je le considère dès aujourd’hui comme un grand film. il deviendra certainement un classique. 

 

 




26/08/2012
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