Coin du jour

Dans une œuvre, il y a toujours le pile et le face. Le pile, c’est le bon côté, la profondeur de la syntaxe, la portée esthétique et les qualités artistiques. Le face, ce sont les non- dits qui se perdent dans le texte, les idées, les thèmes et les motifs inaboutis ou inexplorés. Bref, les œuvres de créations, et dans notre cas, les livres, se constituent de piles et de faces. Ce qui importe n’est alors que la supériorité ou l’infériorité du pile ou du face.

Dans La nouvelle rêvée, longue nouvelle publiée en 1926 qui trouvera sa consécration en 1999 dans le film « Eyes wide shut » de Stanley Kubrick, l’écrivain autrichien Arthur Schnitzler traite du décadentisme viennois de la fin du XIXème siècle. Jeune médecin et père de famille, Fridolain et son épouse Albertine sont la cause et la conséquence de la mise en péril définitive de l’harmonie de leur vie bourgeoise.

Ayant confié l’un à l’autre leurs rêves et leurs fantasmes, ils semblent tous deux attendre de l’autre qu’il soit le placard de Fatima dans Le retour au désert de Koltès. Elle, regrettera son absence d’expérience dans le domaine érotique, lui, à l’aide du médiateur représenté par son vieil ami pianiste Nachtigall, ira d’aventures érotiques à d’autres dans jamais les réaliser jusqu’au bout : tout d’abord avec Marianne, le fille de l’un de ses patients, puis avec une jeune prostituée et enfin, lors d’une fête secrète, un énigmatique bal masqué particulier, où des femmes vénustes et nues, s’offrent à des personnes anonymes. Fridolain caressera en une nuit les plus proches abords du doute et de l’infidélité.

Cependant tout ce récit, toute cette analyse comporte un cruel revers : l’impression pour le lecteur d’être resté sur sa fin, ne pouvant pas se contenter de la brève enquête de ce antihéros incertain.

Schnitzler aura certainement voulu peindre sa propre vision du monde qui l’entoure, vision issue en grande partie de la psychanalyse, seul outil selon l’auteur permettant l’étude des relations émotionnelles et sociales des individus. Cette nouvelle débridée est à prendre comme un voyage, une quête initiatique dans le Vienne.